La notion de résidence fiscale est importante en matière d’impôt. En effet,  les personnes ayant leur résidence fiscale en Allemagne y sont en principe imposables sur l’ensemble de leurs revenus, quelle que soit la source de ces revenus, même française ou étrangère. De même, les personnes ayant leur résidence fiscale en France y sont en principe imposables sur l’ensemble de leurs revenus, quelle que soit la source de ces revenus, même allemande ou étrangère.

On dit que le résident fiscal est soumis à une obligation fiscale illimitée (unbeschränkte Steuerpflicht).

Or, il peut arriver qu’une même personne ait une résidence fiscale à la fois en France et en Allemagne. Dans ce cas, il y a un risque de double imposition des mêmes revenus puisque chaque Etat aurait, a priori, le droit d’imposer l’ensemble des revenus mondiaux de cette personne. Heureusement, la France et l’Allemagne ont conclu une Convention fiscale franco-allemande en date du 21 juillet 1959 qui a pour but d’éviter de tels cas de double imposition.

Le présent article a pour but de présenter les règles de détermination de la résidence fiscale dans un contexte franco-allemand.

Contrairement à une idée reçue, une personne n’a pas automatiquement sa résidence fiscale dans l’Etat, dans lequel elle y déclare son domicile (Anmeldung). La notion de résidence fiscale répond à des critères de faits. Toutefois, la déclaration administrative peut avoir valeur d’indice.

Dans tous les cas, il convient toujours d’interroger d’abord le droit interne des deux Etats. S’il s’avère qu’une même personne a une résidence fiscale dans les deux Etats en vertu du droit interne de chacun, alors il convient de consulter les dispositions de la Convention Fiscale Franco-Allemande du 21 juillet 1959.


Résidence fiscale en Allemagne selon le droit interne allemand

En vertu du droit interne allemand, une personne réside en Allemagne lorsqu’elle y a son domicile (Wohnsitz) ou qu’elle y séjourne habituellement (gewöhnlicher Aufenthalt).

Sont également considérés comme ayant leur résidence fiscale en Allemagne les agents de l’Etat qui exercent leurs fonctions ou sont chargés de mission dans un pays étranger et qui ne sont pas soumis dans ce pays à un impôt personnel sur l’ensemble de leurs revenus.

  • Domicile (Wohnsitz)

 Une personne est domiciliée en Allemagne lorsqu’elle y possède une habitation dans des conditions qui permettent de conclure qu’elle la conservera durablement.

Il peut s’agir d’une maison, d’un appartement ou d’une chambre meublée, peu importe que la personne en soit propriétaire ou locataire, à condition d’en avoir à tout moment l’usage à des fins d’habitation.

Exemple :

Markus est célibataire et propriétaire d’un appartement en Allemagne qu’il occupe à des fins d’habitation. Il quitte son appartement en Allemagne – sans le vendre ni le louer à un tiers – pour aller travailler et habiter en France pendant deux ans.

Markus peut à tout moment retourner dans son appartement en Allemagne. Il a donc un domicile en Allemagne. Par conséquent, Markus continue d’être résident fiscal en Allemagne, même pendant son séjour en France. Si Markus avait loué son appartement à un tiers durant son absence, il n’aurait plus été considéré comme résident fiscal en Allemagne puisqu’il n’aurait plus eu l’usage de son appartement à tout moment.

En principe, une personne mariée est toujours considérée avoir son domicile dans l’habitation qu’elle partage avec sa famille (conjoint, partenaire, enfants).

Exemple :

Markus est marié. Le weekend, il vit avec son épouse et ses enfants à Stuttgart. En semaine, il se rend à Francfort, où il occupe un petit appartement, pour y travailler.

Markus a son domicile à Stuttgart, car il y vit avec sa famille. Peu importe qu’il quitte temporairement ce domicile pour aller travailler dans une autre ville.

  • Séjour habituel (gewöhnlicher Aufenthalt)

Une personne séjourne habituellement en Allemagne lorsqu’il résulte des circonstances qu’elle n’y séjournera pas seulement de façon temporaire. Un séjour de plus de 6 mois consécutifs en Allemagne est réputé être un séjour habituel.

Peu importe le lieu de séjour. Ainsi, un chanteur en tournée en Allemagne sur plus de 6 mois consécutifs, aura son lieu de séjour habituel en Allemagne, même s’il demeure dans une caravane !

La période de 6 mois se calcule sur une période de 12 mois consécutifs, non pas par référence à l’année civile. Des séjours à l’étranger de courte durée ne sont pas de nature à interrompre la période de 6 mois. Par ailleurs, des séjours en Allemagne de plus de 6 mois pour y effectuer uniquement des cures thermales ou des visites privées ne sont pas constitutif d’une résidence fiscale en Allemagne, à condition de durer moins d’un an.

Attention : Vivre à l’hôtel en Allemagne en semaine – sur une durée de plus de 6 mois – peut être constitutif d’une résidence fiscale en Allemagne !

Exemple :

Monsieur et Madame Schmitt vivent avec leurs 3 enfants en France. Monsieur Schmitt travaille à Francfort, en Allemagne.  Tous les lundis matin, il quitte le domicile familial en France pour se rendre à son lieu de travail, à Francfort. Durant la semaine, Monsieur Schmitt vit à l’hôtel à Francfort. Il rentre tous les vendredis en France pour y passer les weekends avec sa famille. Monsieur Schmitt mène ce mode de vie depuis plus de 6 mois.

Etant donné que Monsieur Schmitt vit à l’hôtel en Allemagne sur une période de plus de 6 mois consécutifs (les courts séjours en France n’interrompent pas ce délai), il est considéré comme séjournant habituellement en Allemagne. Or, il a également un domicile (familial) en France. Il sera donc considéré à la fois comme résident fiscal en France et en Allemagne.


Résidence fiscale en France selon le droit interne français

Une personne réside fiscalement en France lorsqu’elle y a son domicile au sens du droit interne français.

En vertu du droit interne français, une personne a son domicile en France lorsqu’elle remplit un des trois critères suivant :

  • Elle a son foyer ou son lieu de séjour principal en France, ou
  • Elle exerce une activité professionnelle en France, salariée ou non, à moins de justifier que cette activité y est exercée à titre accessoire, ou
  • Elle a en France le centre de ses intérêts économiques.

Sont également considérés comme ayant leur domicile fiscal en France les agents de l’Etat qui exercent leurs fonctions ou sont chargés de mission dans un pays étranger et qui ne sont pas soumis dans ce pays à un impôt personnel sur l’ensemble de leurs revenus.

  • Foyer ou lieu de séjour principal

Le foyer s’entend du lieu où une personne ou sa famille habite normalement. Il n’est pas tenu compte de séjours effectués temporairement ailleurs en raison des nécessités de la profession ou des circonstances exceptionnelles.

Ainsi, une personne habitant en France avec sa famille, mais travaillant en semaine en Allemagne, a un domicile (foyer) en France. Il est donc considéré comme ayant sa résidence fiscale en France.

Le lieu de séjour principal s’attache au lieu de séjour de la personne, sans prendre en considération le lieu de séjour de sa famille. En général, une personne séjournant plus de 6 mois au cours d’une même année en France, est réputée avoir eu son séjour principal en France au cours de la même année. Toutefois, le critère du séjour principal ne peut déterminer le domicile fiscal que dans l’hypothèse où la personne n’a pas de foyer en France.

  • Activité professionnelle

 Lorsqu’une personne exerce une activité professionnelle en France, salariée ou non, elle est réputée avoir son domicile en France, sauf à justifier que cette activité y est exercée à titre accessoire.

  • Centre des intérêts économiques

Une personne a le centre de ses intérêts économiques au lieu où elle a effectué ses principaux investissements, où elle possède le siège de ses affaires, d’où elle administre ses biens. Ce peut être également le lieu où une personne a le centre de ses activités professionnelles, dont elle tire la majeure partie de ses revenus.


Résidence fiscale au sens de la Convention Fiscale Franco-Allemande

Lorsqu’il résulte de l’application du droit interne de la France et du droit interne de l’Allemagne qu’une personne est réputée résider à la fois en France et en Allemagne,  la  Convention Fiscale Franco-Allemande s’applique et s’impose à la loi de chaque Etat.

La Convention Fiscale Franco-Allemande va ainsi trancher la question de savoir dans quelle Etat, de la France ou de l’Allemagne, cette personne est résidente fiscalement.

A cet effet, la Convention Fiscale Franco-Allemande s’attache à certains critères qui sont à examiner au cas par cas dans un ordre successif.

1er critère : Le foyer d’habitation permanent

Une personne qui, selon le droit interne des deux Etats, est considérée comme ayant une résidence fiscale à la fois en France et en Allemagne sera, selon la Convention fiscale franco-allemande, réputée être résidente fiscale de l’Etat où elle dispose d’un foyer d’habitation permanent.

Une personne est généralement considérée comme disposant d’un foyer d’habitation permanent dans l’Etat dans lequel elle vit avec sa famille. Il n’est pas tenu compte de séjours effectués temporairement ailleurs en raison des nécessités de la profession ou des circonstances exceptionnelles.

La notion de famille s’entend ici au sens large : peu importe que vous soyez marié, pacsé ou que vous viviez en union libre avec votre partenaire et peu importe son genre.

2è critère (subsidiaire): Le centre des intérêts vitaux

Lorsqu’une personne dispose d’un foyer d’habitation permanent à la fois en France et en Allemagne, elle est considérée comme ayant sa résidence fiscale dans l’Etat avec lequel ses liens personnels et économiques sont les plus étroits (centre des intérêts vitaux).

Ce critère prend ici en considération non seulement les relations familiales d’une personne, mais aussi ses relations sociales, ses occupations, ses activités politiques,  économiques, culturelles ou autres.

3è critère (subsidiaire) : Le lieu de séjour habituel

Si l’Etat où cette personne a le centre de ses intérêts vitaux ne peut pas être déterminé, ou qu’elle ne dispose d’un foyer d’habitation permanent dans aucun des  deux Etats, elle est considérée comme résident de l’Etat contractant où elle séjourne de façon habituelle.

Ce critère s’attache à la présence physique d’une personne sur le territoire de l’un ou l’autre Etat.

4è critère (subsidiaire) : La nationalité

Si cette personne séjourne de façon habituelle dans chacun des Etats contractants ou qu’elle ne séjourne de façon habituelle dans aucun d’eux, elle est considérée comme résident de l’Etat contractant dont elle possède la nationalité.

Si cette personne possède la nationalité de chacun des Etats contractants ou qu’elle ne possède la nationalité d’aucun d’eux, les autorités compétentes des Etats contractants tranchent la question d’un commun accord.

Exemple récapitulatif

Reprenons l’exemple de la famille Schmitt :

Monsieur et Madame Schmitt vivent avec leurs 3 enfants en France. Monsieur Schmitt travaille à Francfort, en Allemagne.  Tous les lundis matin, il quitte le domicile familial en France pour se rendre à son lieu de travail, à Francfort. Durant la semaine, Monsieur Schmitt vit à l’hôtel à Francfort. Il rentre tous les vendredis en France pour y passer les weekends avec sa famille. Monsieur Schmitt mène ce mode de vie depuis plus d’un an.

Etant donné que Monsieur Schmitt vit à l’hôtel en Allemagne sur une période de plus de 6 mois consécutifs (les courts séjours en France n’interrompent pas ce délai), il est considéré comme séjournant habituellement en Allemagne. Or, il a également un domicile (familial) en France. Il sera donc considéré comme résident fiscal à la fois en France et en Allemagne par le droit interne des deux Etats.

La Convention fiscale franco-allemande tranche la question en faveur de la France puisque Monsieur Schmitt y vit avec sa famille et y a donc un foyer d’habitation permanent.

Monsieur Schmitt est donc réputé avoir sa résidence fiscale en France au sens de la Convention fiscale franco-allemande.

Attention : Monsieur Schmitt devra tout de même déposer une déclaration de revenus dans les deux Etats, c’est-à-dire en France et en Allemagne.

Une fois la résidence fiscale fixée, il convient d’examiner les différents revenus de Monsieur Schmitt et de consulter la Convention fiscale franco-allemande afin de déterminer l’Etat où ses différents revenus seront imposables.

Monsieur Schmitt est salarié à Francfort. En vertu de la Convention fiscale franco-allemande les revenus salariaux sont en principe imposables dans l’Etat où s’exerce l’activité professionnelle (et non dans l’Etat de résidence). Monsieur Schmitt exerçant son activité en Allemagne, ses revenus salariaux seront imposables en Allemagne (il disposera en France d’un crédit d’impôt au titre de l’impôt payé en Allemagne).


Ce qu’il faut retenir :

Même pour un expatrié, il est tout-à-fait possible d’être à la fois résident fiscal en France et en Allemagne. Tel est notamment le cas lorsque l’expatrié conserve son domicile en France tout en travaillant en semaine en Allemagne.

Dans ce cas, il convient d’interroger la Convention fiscale franco-allemande pour déterminer dans quel Etat les différents revenus de l’expatrié seront imposables. A cet effet, la Convention fiscale franco-allemande tranchera la question de savoir dans quel Etat l’expatrié a sa résidence fiscale au sens de la Convention. Un expatrié a généralement sa résidence fiscale au sens de la Convention dans l’Etat dans lequel il vit avec sa famille.

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